Barontini
Critical Texts:
We're beautiful like diamonds in the sky[1], (French)
Written by Marianne Derrien.
Depuis les mouvements politiques et sociaux afro-américains tant récents qu'historiques tels que « Black is beautiful » ou les Blacks Panthers, la parade a été au cœur d'actions protestataires qui ont condensées toutes les peurs de l’Amérique blanche, raciste et puritaine. Afin de s’émanciper des valeurs culturelles imposées par les Blancs dans les années 1960 à la suite des mouvements pour la défense des droits civiques, une nouvelle réflexion identitaire est mise en place pour que les Noirs afro-américains apprennent à ne plus se sentir inférieur-e-s par un retour aux racines africaines. En Californie, les Black Panthers ont cherché à créer une société alternative où leur couleur de peau ne les ramèneraient plus indéfiniment à leur statut de « descendant d’esclaves ». Formulant un discours politique bien rôdé, l'aspect esthétique et la communication visuelle du mouvement ont été des points forts et essentiels de cette lutte au quotidien. Les Blacks Panthers ont porté une attention toute particulière au vocabulaire vestimentaire qu'ils mirent en place avec une maîtrise parfaite des symboles et d'une identité visuelle immédiatement reconnaissable et facilement reproductible. Pantalon noir, chemise bleu marine, veste en cuir, coiffure afro et béret ; au travers de son uniforme, le Panther s'intègre dans un groupe revendiquant et exaltant une identité typiquement afro-américaine, en porte-à-faux avec les codes esthétiques de la respectabilité WASP.
En 1967, le sénateur Mulford qui souhaite lutter contre les groupes armés d’extrême gauche propose un projet de loi qui vise à interdire le port d’arme. Il est soutenu par le gouverneur de Californie, Ronald Reagan bien que cela aille à l’encontre de l’idéologie dominante américaine. Les Black Panthers organisent en avril 1967 une manifestation devant et dans le Capitole de Sacramento. Ils sont en uniforme et armés. De nombreuses images et films ont diffusé ces actions de parade, de marche et de protestation. Voulant également réveiller des rituels enfouis, les Black Panthersse référent à tout un pan historique et sociale de l'apparat de guerre et de l'activisme. Ils ont nourri l’imaginaire insurrectionnel d’images par des symboles révolutionnaires, l'utilisation de slogans, de portraits de leaders du parti avec des apparats guerriers mêlés à des objets d'art africain. De ces tenues ou uniformes, fusion de la vie et du combat, le souci de l'apparence a clairement appuyé les luttes et les revendications du mouvement black panthers.
Ces nombreuses représentations iconiques – en tant qu'images de résistance - liées au mouvement Black Panthersont été répertoriées et récupérées par l'artiste Raphaël Barontini* au sein de différentes installations (une de ses récentes expositions s'est intitulée « Parade », une immense installation de bannières présentée à la Fabrique de la Ville à Saint-Denis en mai 2014).
Point de collision entre le réel et l’onirique, le passé et le présent, Raphaël Barontini use d'une posture pop hybride faite de métissages culturels et décloisonne les références de la peinture académique dans son rapport à la statuaire et à l'image sérigraphiée ou numérisée. Il emprunte également des enjeux à l’afro-futurisme, pont entre la technologie, la musique traditionnelle et la musique électronique, l’histoire de la communauté noire et la métaphysique. L'artiste réinterroge le style de la nature morte avec des objets se référant aux rituels vaudou et à l'imagerie empruntée à l'Histoire de l'art classique au sein de compositions numériques imprimées sur toile.
Au sein de cette ré-interrogation critique du statut des images, Raphaël Barontini utilise de nombreux supports, de techniques de diffusion et de traitement afin d'engager l'image dans un jeu de composition entre l'objet décoratif, mortuaire, funeste et rituel. Ses œuvres arborent une connotation à la fois festive, ornementale, cérémoniale et politique. Croisement entre fétichisme et idolâtrie, il se réfère également aux arts de la divination issus de la religion vaudou par l'utilisation de franges, de perles, de paillettes pour ses bannières-peintures. Une séduction est à l'oeuvre rehaussée par des couleurs criardes, des matériaux postiches et clinquants pour un scintillement d'une révolte historique et visuelle en devenir. La parade continue...
Texte pour la revue Manuel[2], Parade, numéro 4, parution en 2016
Marianne Derrien.
[1] Parole de la chanson « Diamonds » de Rihanna
[2] MANUEL PARADE réunit plus de soixante-dix contributeurs venant de disciplines différentes. Une quinzaine de critiques, écrivains, journalistes, philosophes ont réagi au thème de la parade au travers de poèmes, essais, histoires.